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La réponse pourrait être connue dès jeudi, à l'occasion d'une séance parlementaire électorale très attendue, la première depuis plusieurs mois.
Jenny Lafond
- Publié le 08-01-2025 à 20h15
- Mis à jour le 09-01-2025 à 09h54
Rarement une élection présidentielle au Liban n'aura été aussi attendue et imprévisible. Alors que les députés libanais sont convoqués au Parlement jeudi 9 janvier à partir de 11 heures locales (10h belges) pour élire un successeur à Michel Aoun, dont le mandat s'est achevé en octobre 2022, personne au Liban ne s'aventurait jusqu'à mercredi à livrer un pronostic définitif quant à l'identité du futur président.
Annoncée au lendemain du cessez-le-feu signé entre le Hezbollah et Israël après plus de deux mois de guerre quasi-totale qui ont laissé une grande partie du Liban en ruines, cette treizième séance électorale sera-t-elle la bonne ?
L'indéboulonnable président du Parlement, Nabih Berry, a multiplié les déclarations optimistes ces dernières semaines, marquant sa volonté de voir s'élever une fumée blanche de la place de l'Étoile, où se trouve la Chambre, au centre-ville de Beyrouth. Mercredi, il martelait encore que "les sessions électorales ne seront pas interrompues (jusqu'à ce qu'une élection aboutisse, NdlR), sauf pour les prières du vendredi ou la messe du dimanche", selon le quotidien libanais an-Nahar. Le ton reflétait également l'optimisme du côté du Premier ministre sortant Nagib Mikati qui s'est dit "heureux pour la première fois depuis le début de la vacance présidentielle, parce que si Dieu le veut, nous aurons demain (jeudi) un nouveau chef de l'État".
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Pourtant, quelques jours avant la tenue du scrutin, le vote paraissait encore très incertain. Parmi les présidentiables, plusieurs personnalités chrétiennes maronites qui n'ont pas fait acte de candidature : le chef de l'armée Joseph Aoun, le directeur par intérim de la Sûreté générale Elias Baïssari, ou encore l'ancien ministre des Finances aujourd'hui cadre au Fonds monétaire international, Jihad Azour. En vertu d'un système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite, tandis que le poste de Premier ministre échoit à un sunnite et la présidence du Parlement à un chiite.
Mais depuis le début de la semaine, la météo présidentielle a semblé s'éclaircir, sous l'effet d'intenses pressions diplomatiques. Une preuve s'il en fallait encore, que le choix d'un président au Liban se fait surtout en dehors de ses frontières. "Cela montre bien que le Liban n'a jamais été un pays authentiquement souverain. Le Parlement libanais n'est qu'une simple chambre d'enregistrement", déplore le politologue Karim Bitar.
Les États-Unis, l'Arabie saoudite et la France, tous trois membres (avec le Qatar et l'Égypte) du quintette chargé de trouver des solutions à la crise politique au Liban, n'ont pas fait grand mystère quant à l'identité de leur favori, le commandant en chef de l'armée Joseph Aoun. "Il a une réputation personnelle d'intégrité et il a travaillé avec eux depuis plusieurs années, en étant à la tête d'une des rares institutions transcommunautaires. Il pourrait être l'homme qui superviserait l'implémentation de l'accord de cessez-le-feu", précise Karim Bitar.
Après la venue des ministres des Armées et des Affaires étrangères français, Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barrot, du 30 décembre au 1er janvier, l'émissaire américain Amos Hochstein s'est déplacé à Beyrouth le 6 janvier, suivi de son homologue français Jean-Yves Le Drian. Fait notoire compte tenu des relations tendues ces dernières années entre Riyad et Beyrouth, l'émissaire saoudien Yazid ben Farhane aura effectué deux visites au Liban en cinq jours, dont une à la veille de l'élection, déterminé à convaincre les récalcitrants. Il n'a pas ménagé ses efforts, si l'on en juge les nombreux ralliements à la candidature Aoun qui ont suivi. Ces pressions auront même convaincu le parti chrétien des Forces libanaises d'officialiser leur soutien au chef de l'armée mercredi soir, lui assurant ainsi la couverture chrétienne qui lui faisait cruellement défaut compte tenu de l'hostilité du Courant patriotique libre, l'autre parti chrétien dirigé par Gebran Bassil.
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Pour le Liban, le grand retour de l'Arabie saoudite après des années de relations tendues, est crucial dans l'optique de l'énorme chantier de la reconstruction post-guerre que le pays, en faillite depuis la crise économique survenue en 2019, n'a pas les moyens de financer. Des sources diplomatiques occidentales n'ont d'ailleurs pas caché que sans élection, le Liban ne figurerait plus en priorité des préoccupations internationales et donc… des aides financières. Jean-Noël Barrot avait quant à lui rappelé il y a quelques jours l'importance de cette élection pour la pérennité du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, qui expire le 27 janvier. "Le Liban est dans une telle crise institutionnelle et le risque de rupture du cessez-le-feu (avec Israël) étant significatif, l'élection d'un président semble quand même urgente", relève Karim Bitar.
Car elle intervient après un bouleversement des équilibres régionaux marqué par l'affaiblissement du Hezbollah après la guerre contre Israël et plus largement de "l'Axe de la résistance" pro-iranien avec la chute de Bachar al Assad en Syrie, le 8 décembre dernier. Si le Hezbollah n'a pas encore annoncé à qui iraient ses votes, son conseiller aux affaires politiques Wafic Safa a souligné que le parti n'opposerait "pas de veto" contre Joseph Aoun. Pour être élu, celui-ci devra engranger 86 votes dès le premier tour, soit les deux tiers des députés, afin d'outrepasser le blocage constitutionnel qui rend théoriquement inéligible un fonctionnaire de première catégorie. Sans quoi les tours pourraient s'enchaîner en faveur de ses challengers qui n'auraient besoin que de 65 voix pour être élus.
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